dijous, 9 d’abril del 2015

La Gioconda o Mona Lisa

"El doctor Cottard nunca sabía de modo exacto en qué tono tenía que contestarle a uno y si su interlocutor hablaba en broma o en serio. Y por si acaso, añadía a todos sus gestos la oferta de una sonrisa condicional y previsora, cuya expectativa agudeza le serviría de disculpa en caso de que la frase que le dirigían fuera chistosa  y se le pudiera tachar de cándido. Pero como tenía que afrontar la hipótesis opuesta, no dejaba que la sonrisa se afirmara claramente en su cara, por la que flotaba perpetuamente una incertidumbre donde podía leerse la pregunta que él no se atrevía a formular: "¿Lo dice usted en serio?". Y lo mismo que no sabía exactamente la actitud que había que adoptar en una reunión, tampoco estaba muy seguro del comportamiento adecuado en la calle y en la vida en general; de modo que oponía a los transeúntes, a los coches, a los acontecimientos, una maliciosa sonrisa, que por anticipado quitaba a su actitud toda tacha de importunidad, porque con ella probaba, si no convenía al caso, que lo sabía muy bien y que sonreía por broma."


(Le docteur Cottard ne savait jamais d'une façon certaine de quel ton il devait répondre à quelqu'un, si son interlocuteur voulait rire ou était sérieux. Et à tout hasard il ajoutait à toutes ses expressions de physionomie l'offre d'un sourire conditionnel et provisoire dont la finesse expectante le disculperait du reproche de naïveté, si le propos qu'on lui avait tenu se trouvait avoir été facétieux. Mais comme pour faire face à l'hypothèse opposée il n'osait pas laisser ce sourire s'affirmer nettement sur son visage, on y voyait flotter perpétuellement une incertitude où se lisait la question qu'il n'osait pas poser : « Dites-vous cela pour de bon ? » Il n'était pas plus assuré de la façon dont il devait se comporter dans la rue, et même en général dans la vie, que dans un salon, et on le voyait opposer aux passants, aux voitures, aux événements un malicieux sourire qui ôtait d'avance à son attitude toute impropriété, puisqu'il prouvait, si elle n'était pas de mise, qu'il le savait bien et que s'il avait adopté celle-là, c'était par plaisanterie.)

M. PROUST, A la recherche du temps perdu. 1. Du côté de chez Swan (1919) trad. Pedro Salinas,  Madrid: Alianza Editorial, 1993.